Par Nicolas MITTON, juriste et consultant en affaires publiques

La loi dite SAPIN 2 [1], outre son volet relatif à la lutte contre la corruption, à la protection des lanceurs d’alerte et à l’encadrement de la pratique du lobbying, contient des dispositions passées plus inaperçues en matière de droit des affaires et des sociétés.

Parmi celles-ci, l’article 130 de la loi a modifié l’article L.227-1 du code de commerce applicable aux sociétés par actions (SAS).

Sous l’empire du texte ancien, un apport en nature effectué à la constitution d’une société par actions, quelle qu’elle soit (société anonyme, sociétés par actions simplifiée, société en commandite par actions…), nécessitait systématiquement l’intervention d’un commissaire aux apports chargé de procéder à une évaluation des biens apportés au capital de la structure naissante.

L’article L.227-1 modifié précise désormais qu’au sein d’une SAS en formation « les futurs associés peuvent décider à l’unanimité que le recours à un commissaire aux apports ne sera pas obligatoire, lorsque la valeur d’aucun apport en nature n’excède un montant fixé par décret et si la valeur totale de l’ensemble des apports en nature non soumis à l’évaluation d’un commissaire aux apports n’excède pas la moitié du capital ».

Cette disposition reprend au mot près le texte ayant trait aux SARL [2], et harmonise, sur ce point particulier, le régime applicable à ces deux formes juridiques.

Ainsi, les associés de SAS peuvent désormais se voir dispensés, au stade de la constitution de la société, de désigner un commissaire aux apports.

Toutefois, un élément restait attendu pour que le nouvel article puisse s’appliquer. En effet, pour bénéficier de la dispense, trois conditions cumulatives doivent être réunies :

  • La décision de ne pas recourir à l’évaluation par un commissaire aux apports est prise à l’unanimité ;
  • La valeur totale de l’apport n’excède pas la moitié du capital social ;
  • La valeur de chacun des biens apportés n’excède pas un montant fixé par décret.

Les entrepreneurs et les praticiens du droit restaient dans l’attente de détermination du montant au-delà duquel la dispense n’est plus applicable.

C’est désormais chose faite, le décret visé par l’article L.227-1 du code de commerce ayant été publié au journal officiel du 27 avril 2017 [3].

Ce montant s’élève à 30 000 euros, ce qui ne surprendra personne car il s’agit, là encore, d’une reprise de la règle applicable aux SARL.

Récapitulons et reprenons les trois conditions d’application de la dispense :

  • La décision de ne pas recourir à l’évaluation par un commissaire aux apports est prise à l’unanimité ;
  • La valeur totale de l’apport n’excède pas la moitié du capital social ;
  • La valeur de chacun des biens apportés n’excède pas 30 000 euros.

Prenons quelques exemples, et voyons comment s’articulent ces conditions :

Montant du capital social

30 000 €

50 000 €

100 000 €

Montant des apports en nature

20 000 €

20 000 €

45 000 €

Le montant de l’un des éléments apportés excède 30 000 €

NON

NON

OUI

La valeur globale de l’apport excède la moitié du capital

OUI

NON

NON

Obligation de désigner un commissaire aux apports

OUI

NON

OUI


Il convient d’être attentif au fait que le plafond de 30 000 euros s’entend pour chacun des éléments apportés pris de manière isolée, et non au niveau de la valeur cumulée des apports.

Pour illustrer ce point particulier, reprenons le dernier exemple de notre tableau :

Montant du capital social

100 000 €

100 000 €

Montant des apports en nature

45 000 €

45 000 €

Répartition des biens apportés

35 000 €

10 000 €

15 000 €

15 000 €

15 000 €

Dépassement du plafond de 30 000 €

OUI

NON

Valeur globale de l’apport excédant la moitié du capital

NON

NON

Obligation de désigner un commissaire aux apports

OUI

NON


La loi SAPIN 2 prévoit enfin, comme c’est le cas au sein des SARL, que l’option pour la dispense rend les associés fondateurs solidairement responsables à l’égard des tiers, pendant une durée de cinq années, à hauteur de la valeur attribuée aux apports effectués à la constitution.

Le texte nouveau entre en application à compter du 28 avril 2017, et c’est heureux car cette évolution était souhaitée de longue date par les professionnels du droit.

En effet, rien ne justifiait que cette dispense, accordée de longue date aux SARL, ne puisse profiter aux SAS.

En outre, et par le mécanisme de l’article 1 de la loi de 1990 applicable aux sociétés d’exercice libéral [4], les SELAS (ainsi que les SPFPL constituées sous forme de SAS [5]) pourront également profiter de cette dispense.

[1] LOI n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique

[2] Code de commerce, article L.223-9

[3] Décret n° 2017-630 du 25 avril 2017 relatif à la simplification du droit des sociétés et au statut de l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée

[4] LOI n° 90-1258 du 31 décembre 1990 relative à l’exercice sous forme de sociétés des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé et aux sociétés de participations financières de professions libérales. 

[5] LOI n° 90-1258 du 31 décembre 1990, article 31-1

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