Par un arrêt daté du 12 décembre 2017, la Cour d’Appel de Versailles casse la décision du Tribunal de Commerce de Nanterre qui imposait au site « Doctipharma » de cesser ses activités liées à la vente en ligne de médicaments.

Pour plus d’informations, l’arrêt complet est reproduit ci-dessous.

Cour d’appel de Versailles, 12ème chambre, arrêt contradictoire du 12 décembre 2017

L’association Union des Groupements de Pharmaciens d’Officine, régie par la loi de 1901, ci-après dénommée l’UDGPO a été créée en 2009 et regroupe 16 groupements de pharmaciens d’officine.
Le groupe Lagardère a investi le secteur de la santé par l’intermédiaire de l’une de ses filiales, la société Doctissimo, et notamment le secteur de la pharmacie en ligne par l’intermédiaire de la société par actions simplifiée à associé unique Doctipharma, elle-même filiale de la société Doctissimo, créée le 1er juillet 2013.
La société Doctipharma a mis en place le site internet http://www.doctipharma.fr, ci-après dénommé doctipharma.fr, hébergé par la société par actions simplifiée Pictime, ayant pour nom commercial Coreye, sur lequel les internautes peuvent acquérir, à partir des sites des officines :
– depuis mars 2014, des produits parapharmaceutiques,
– depuis novembre 2014, des médicaments sans ordonnance.
Lors de l’assignation, près de cinquante pharmacies utilisaient le site doctipharma.fr pour la vente de produits de parapharmacie, dont six pharmacies ayant obtenu une autorisation auprès de leur Agence Régionale de Santé (ARS), pour vendre en ligne également des médicaments sans ordonnance.
La société Doctipharma, qui a comme objet social le conseil en systèmes et logiciels informatiques (code APE 6202A), se présente comme un concepteur et éditeur d’une solution technique destinée à des pharmaciens d’officine en vue de leur permettre d’éditer et d’exploiter leur propre site internet de commerce électronique de médicaments.
L’UDGPO considère que doctipharma.fr est un site de vente en ligne de médicaments et qu’il exerce, dès lors, une activité illicite.
C’est dans ces circonstances que l’UDGPO a déposé une requête auprès du président du tribunal de commerce de Nanterre aux fins d’assigner à bref délai, que, par ordonnance du 28 janvier 2015, il a fixé à l’audience du 13 février 2015.
Par actes d’huissiers de justice du 30 janvier 2015, délivrés à personne, UDGPO a ainsi fait assigner la société Doctipharma et la société Pictime – Coreye devant le tribunal de commerce de Nanterre, lui demandant de :
Vu les articles L.4211-1, L.4221-1, L.5125-33 et suivants, R.5125-59, R.5125-70 et suivants du code de la santé publique ;
Vu l’arrêté du 20 juin 2013 relatif aux bonnes pratiques de dispensation des médicaments par voie électronique ;
Vu la directive 2011/62/UE du Parlement européen et du Conseil en date du 8 juin 2011 ;
Vu la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique ;
• Condamner Doctipharma à cesser le commerce électronique de médicaments sur le site http://www.doctipharma.fr, sous astreinte de 10.000 euros par jour de retard, à compter du prononcé de l’ordonnance [sic] à intervenir ;
• Ordonner le retrait immédiat des pages proposant le commerce électronique de médicaments, sur le site internet http://www.doctipharma.fr, sous astreinte de 10.000 euros par jour de retard, à compter du prononcé de l’ordonnance [sic] à intervenir ;
• Enjoindre à la société Coreye d’avoir à cesser l’hébergement des données permettant la commercialisation en ligne de médicaments sur le site internet http://www.doctipharma.fr ainsi que la publication des pages proposant le dit commerce de médicaments sur ce site, sous astreinte de 10.000 euros par jour, à compter du prononcé de l’ordonnance [sic] à intervenir ;
• Condamner Doctipharma à verser à l’UDGPO une somme de 15.000 euros à titre de préjudice moral ;
• Condamner Doctipharma, sous astreinte de 10.000 euros par jour de retard à compter de l’ordonnance [sic] à intervenir, à publier sur les sites internet doctissimo.fr et doctipharma.fr un communiqué judiciaire libellé comme suit : « Par ordonnance [sic] rendue le … par le Président du tribunal de commerce de Nanterre, la société Doctipharma a été condamnée à cesser la commercialisation de médicaments en ligne sur son site internet doctipharma.fr compte tenu des modalités de fonctionnement du dit site, lesquelles ont été jugées contraires aux dispositions du code de la santé publique » ;
• Autoriser l’UDGPO à faire publier, aux frais de Doctipharma et dans la limite de 15.000 euros HT pour l’ensemble, ce même communiqué judiciaire dans trois revues professionnelles ou journaux de son choix intéressant la profession de pharmaciens d’officine ;
• Condamner Doctipharma, outre aux entiers frais et dépens, à verser à l’UDGPO une somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par jugement entrepris du 31 mai 2016 le tribunal de commerce de Nanterre a :
Dit illicite le site http://www.doctipharma.fr pour la vente de médicaments ;
Condamné la société Doctipharma à cesser le commerce électronique de médicaments sur le site http://www.doctipharma.fr sous astreinte de 3.000 euros par jour de retard, à compter du 16ième jour après le prononcé du jugement ;
Ordonné le retrait immédiat des pages proposant le commerce électronique de médicaments sur le site internet http://www.doctipharma.fr sous astreinte de 3.000 euros par jour de retard, à compter du 16ième jour après le prononcé du jugement ;
Enjoint à la Sas Pictime ayant pour nom commercial « Coreye » de cesser l’hébergement des données permettant la commercialisation en ligne de médicaments sur le site internet http://www.doctipharma.fr ainsi que la publication des pages proposant le dit commerce de médicaments sur ce site, sous astreinte de 3.000 euros par jour, à compter du 16ième jour après le prononcé du jugement ;
Condamné la société Doctipharma, sous astreinte de 3.000 euros par jour de retard à compter du 16ième jour après le prononcé du jugement, à publier sur les sites internet doctissimo.fr et doctipharma.fr un communiqué judiciaire libellé comme suit : « Par jugement rendu le 31 mai 2016 par le tribunal de commerce de Nanterre, la société Doctipharma a été condamnée à cesser la commercialisation de médicaments en ligne sur son site internet doctipharma.fr compte tenu des modalités de fonctionnement du dit site, lesquelles ont été jugées contraires aux dispositions du code de la santé publique » ;
Autorisé l’Union des Groupements de Pharmaciens d’Officine à faire publier, aux frais de la société Doctipharma et dans la limite de 6.000 euros HT pour l’ensemble, déboutant pour le surplus de la demande, ce même communiqué judiciaire dans deux revues professionnelles ou journaux de son choix intéressant la profession de pharmaciens d’officine ;
Débouté l’Union des Groupements des Pharmaciens d’Officine de sa demande au titre de dommages et intérêts pour préjudice moral ;
Condamné la société Doctipharma à payer à l’Union des Groupements de Pharmaciens d’Officine la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, déboutant du surplus ;
Ordonné l’exécution provisoire du jugement ;
Condamné la société Doctipharma aux dépens.

PRÉTENTIONS DES PARTIES
Vu l’appel interjeté le 6 juillet 2016 par la société Doctipharma ;
Vu les dernières écritures signifiées le 6 octobre 2016 par lesquelles la société Doctipharma demande à la cour de :
Vu les articles L.4211-14, L.5125-25, L.5125-26, L.5125-33 du Code de la santé publique ;
Vu l’ordonnance n° 2012-1427 du 19 décembre 2012 relative à l’encadrement de la vente de médicaments sur internet et à la lutte contre la falsification de médicaments ;
Vu le décret n° 2012-1562 du 31 décembre 2012 relatif au renforcement de la sécurité de la chaîne d’approvisionnement des médicaments et à l’encadrement de la vente de médicaments sur internet Vu la directive 2011/62/UE du 8 juin 2011 ;
Vu l’article 700 du Code de procédure civile ;
Infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et de :
CONSTATER que la société Doctipharma exerce une activité licite et que les modalités de déploiement de sa solution auprès de pharmaciens d’officine souhaitant éditer et exploiter un site de vente en ligne de médicaments sont parfaitement conformes à la réglementation encadrant la vente en ligne de médicaments à usage humain ;
CONSTATER que le site http://www.doctipharma.fr ne pratique pas le commerce électronique de médicaments ;
DIRE ET JUGER que les pharmaciens d’officine utilisant la solution Doctipharma et ayant obtenu l’autorisation de leur ARS peuvent procéder à la vente en ligne de médicaments à partir de leur site internet créé et accessible à partir de la plateforme Doctipharma ;
ORDONNER, sous astreinte de 3.000 euros par jour de retard à compter du prononcé de l’arrêt à intervenir, la publication sur le site internet de l’UDGPO d’un communiqué judiciaire libellé comme suit :
« Par arrêt en date du …, la Cour d’appel de Versailles a infirmé le jugement en date du 31 mai 2016 et dit licite le site http://www.doctipharma.fr en tant que solution technique déployée auprès des pharmaciens d’officine souhaitant éditer et exploiter un site de vente en ligne de médicaments. Désormais, les pharmaciens d’officine utilisant la solution technique Doctipharma et ayant obtenu l’autorisation de leur ARS peuvent procéder à la vente en ligne de médicaments à partir de leur site internet créé et accessible à partir de la plateforme Doctipharma »
AUTORISER la société Doctipharma à procéder à la même publication aux frais de l’UDGPO et dans la limite de 6.000 euros HT pour l’ensemble, dans deux revues professionnelles ou journaux aux choix de Doctipharma, intéressant la profession de pharmaciens d’officine ;
CONDAMNER l’Union des Groupements de Pharmaciens d’Officine à payer à Doctipharma la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNER l’UDGPO aux entiers dépens de première instance et d’appel dont le recouvrement sera effectué pour ceux la concernant par l’AARPI JRF Avocats représentée par Maître Bertrand Rol conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;
Vu l’ordonnance du conseiller de la mise en état du 30 mars 2017, confirmée, sur déféré, par arrêt du 4 juillet 2017, qui a déclaré irrecevables les conclusions transmises le 6 février 2017 par l’UDGPO ;
Vu les dernières écritures signifiées le 9 décembre 2016 par lesquelles la société Pictime, ayant pour nom commercial Coreye, demande à la cour de :
Constater que la société Pictime s’en rapporte à justice.
Condamner UDGPO à verser à la société Pictime une somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions déposées par les parties et au jugement déféré.
DISCUSSION
Sur la licéité du site doctipharma.fr pour la vente de médicaments :
Dans le jugement entrepris, le tribunal, considérant que la société Doctipharma était une société commerciale et non une officine de pharmacie, dont aucun des responsables n’est pharmacien inscrit à l’ordre des pharmaciens, qu’elle exerçait un rôle majeur d’intermédiaire entre les clients et les officines de pharmacie référencées sur son site, caractérisant une activité d’e-commerce de vente à distance au public de médicaments non soumis à prescription obligatoire et qu’elle violait ainsi les dispositions relatives à la vente de médicaments et au commerce électronique de médicaments, destinées à protéger la santé du public, a déclaré illicite le site http://www.doctipharma.fr et ordonné à la société Doctipharma et à l’hébergeur de son site, la société Pictime, des mesures de cessation de cette activité, outre une publicité de sa décision à la charge de la société Doctipharma.
La société Doctipharma se défend de toute activité illicite, en faisant valoir qu’elle a développé une solution technique complète et conforme à la réglementation à destination des pharmaciens d’officine, qui permet à chacun d’eux d’éditer et d’exploiter son propre site internet de commerce électronique de produits de parapharmacie et de médicaments en tant que prolongement virtuel de sa pharmacie physique, chaque site disposant d’une adresse URL propre et étant accessible soit via les moteurs de recherche classiques soit, par renvoi, via son portail : www.doctipharma.fr
Elle justifie sa démarche par la complexité de la conception et de la maintenance techniques d’un site internet de e-commerce correspondant à un métier spécialisé reposant sur des compétences techniques dont ne disposent pas les pharmaciens et celle du cadre légal et réglementaire encadrant la vente en ligne de médicaments ;
Elle soutient intervenir en tant que sous-traitant technique auprès des pharmaciens d’officine en vue de réaliser pour leur compte des prestations de conception et de maintenance techniques ; ne pas jouer de rôle actif dans l’activité de vente en ligne de médicaments, laissée sous le contrôle et la maîtrise exclusive des pharmaciens d’officine dans le respect de leur monopole officinal ; ne pas intervenir en qualité d’intermédiaire au sens de l’article L.5125-25 du code de la santé publique, contrairement à ce qu’a jugé le tribunal, sans rechercher si la solution qu’elle met en oeuvre était susceptible, d’une façon ou d’une autre, de porter atteinte à la santé publique.
* * *
La société Doctipharma rappelle exactement que la directive 2011/62/UE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2011 modifiant la directive 2001/83/CE instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain, en ce qui concerne la prévention de l’introduction dans la chaîne d’approvisionnement légale de médicaments falsifiés a été transposée en droit interne par l’ordonnance n°2012-1427 du 19 décembre 2012 relative au renforcement de la sécurité de la chaîne d’approvisionnement des médicaments, à l’encadrement de la vente de médicaments sur internet et à la lutte contre la falsification de médicaments, notamment par la création des articles L.5125-33 à L.5125-41 du code de la santé publique, y insérant un chapitre V bis intitulé : Commerce électronique de médicaments par une pharmacie d’officine et qu’elle a ensuite été complétée par les dispositions du décret n°2012-1562 du 31 décembre 2012 relatif au renforcement de la sécurité de la chaîne d’approvisionnement des médicaments et à l’encadrement de la vente de médicaments sur internet, qui a créé les articles R.5125-70 à R.5125-74 du même code ;
Qu’un arrêté du 20 juin 2013 relatif aux bonnes pratiques de dispensation des médicaments par voie électronique, pris en application de l’article L.5121-5 du code de la santé publique, comportant notamment des dispositions relatives au site de commerce électronique de l’officine de pharmacie a été annulé par arrêt du Conseil d’Etat du 16 mars 2015 ;
Qu’en tout état de cause ce texte avait fait l’objet d’un avis défavorable n°13-A-12 du 10 avril 2013 de l’Autorité de la concurrence, qui concluait au fait que le projet d’arrêté qui lui était soumis contenait un ensemble de dispositions particulièrement restrictives, dont l’accumulation [conduisait] à créer un cadre extrêmement contraignant et limitatif, qui [avait] pour conséquence de brider toute initiative commerciale en termes de prix, de gammes de produits, de services nouveaux, ajoutant que les « bonnes pratiques » proposées [retiraient] tout intérêt à la commercialisation de médicaments sur internet, tant pour le patient-consommateur que pour les pharmaciens et [apparaissaient] dissuasives, proposant un certain nombre de modifications pour lever cet avis ;
Qu’à la date de l’assignation, aucun nouvel arrêté n’avait été pris ;
Qu’il ressort du préambule de la directive 2011/62/UE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2011, notamment de ses paragraphes 21 à 30, qu’elle vise à assurer, dans un objectif de sauvegarde de la santé publique, la traçabilité des médicaments vendus via internet, pour prévenir le commerce de médicaments falsifiés par leur introduction dans la chaîne d’approvisionnement légale en complétant les dispositions concernant les bonnes pratiques de fabrication et de distribution des substances actives et les règles détaillées applicables aux médicaments introduits dans l’Union sans être importés et les dispositifs de sécurité.
Sur son rôle de sous-traitant technique des pharmaciens, la société Doctipharma fait valoir qu’elle fournit aux pharmaciens un service clés en main de conception et de maintenance techniques de leur site de vente en ligne, laissant à chacun d’eux les opérations de vente en ligne de médicaments.
A cet égard, elle renvoie à ses conditions générales de conception, d’hébergement et de maintenance de site web d’officine de pharmacie, mises aux débats, qui prévoient en leur article 2 que : Doctipharma fournit au Pharmacien les services suivants :
– la conception (développement, réalisation, intégration des contenus) du Site ;
– la maintenance corrective et évolutive du Site ;
– l’hébergement du Site par un hébergeur agréé de données de santé au sens des dispositions de l’article L.1111-8 du code de la santé publique dans les conditions définies en annexe 2 des Conditions Générales ;
– des services d’assistance administrative. (…).
Elle produit un procès-verbal de constat d’huissier de justice du 6 février 2015 reproduisant (page 64 et suivantes) une partie des conditions générales d’utilisation du site doctipharma.fr, selon lesquelles, en préambule : Doctipharma est concepteur et éditeur d’une plateforme (« Editeur de la solution technique ») permettant à des Pharmaciens d’officine (les « Pharmaciens ») de mettre en ligne leur site de commerce électronique (le « Site ») de produits de santé (les « Produits ») conformément à la réglementation en vigueur.
Tout acte de vente en ligne de produits de santé intervient exclusivement entre chaque Pharmacien éditant un Site à partir de la plateforme et les internautes utilisateurs (ci-après dénommé l’« Utilisateur »), chaque Pharmacien étant, au sens de la Loi pour la Confiance dans l’économie numérique, éditeur de son Site.
Les présentes Conditions Générales d’Utilisation déterminent les règles techniques de fonctionnement de la solution technique (ci-après désignée la « Plateforme »). (…).
Y est donnée une définition du pharmacien comme étant : la personne physique exerçant la profession de pharmacien, titulaire d’une licence d’officine de Pharmacie au sens des dispositions de l’article L.5125-4 du Code de la Santé Publique et qui est responsable des conditions dans lesquelles l’activité de commerce électronique s’exerce sur son Site.
Quant à l’utilisateur du site, il est défini comme : Toute personne ayant accès au Site d’un Pharmacien édité à partir de la Plateforme, quels que soient, le lieu où elle se trouve, les modalités de connexion au Site, l’objet et la finalité de son accès au Site, est un Utilisateur du Site. Etant précisé que : L’Utilisateur ne saurait se prévaloir d’aucune difficulté d’accès au Site d’un Pharmacien édité à partir de la Plate-forme en fraude des présentes Conditions Générales d’Utilisation. / Pour être prises en compte les réclamations techniques de l’Utilisateur devront être adressées à l’Editeur de la solution technique par la voie postale uniquement sous la forme recommandée avec accusé de réception à l’adresse visée ci-dessus.
L’article 1 précise que : (…) l’Utilisateur est informé que les Pharmaciens sont seuls et entièrement responsables des Sites des Pharmaciens et qu’ils déterminent par conséquent unilatéralement, et dans le respect des dispositions légales applicables, les produits qu’ils proposent à la vente en ligne à destination des internautes intéressés ainsi que leur prix. L’Utilisateur demeure ainsi libre de commander les Produits sur le Site du Pharmacien de son choix.
La société Doctipharma en déduit justement que le site doctipharma.fr est une plateforme technique qui ne pratique pas la commercialisation directe de médicaments qui reste le fait des seuls pharmaciens référencés sur cette plateforme.
Prenant l’exemple de la pharmacie Saint Barthélémy à Marseille (13014), que l’huissier de justice a trouvé via le moteur de recherches Google, elle démontre parfaitement les conditions dans lesquelles l’activité de commerce électronique de médicaments y est exercée.
Le pharmacien y dispose d’une adresse internet propre : pharmacie-st-barthelemy-marseille.doctipharma.fr, d’une page d’accueil sur laquelle figure sa photographie, ses coordonnées téléphoniques et son adresse, ainsi qu’un onglet : contactez-moi.
La société Doctipharma produit, en outre, pour cette pharmacie, la décision de l’Agence régionale de santé du 8 septembre 2014 de lui accorder une autorisation de création et d’exploitation d’un site de commerce électronique de médicaments, via l’adresse www.pharmacie-st-barthelemy-marseille.doctipharma.fr.
Ainsi le site doctipharma.fr n’enfreint pas les dispositions de l’article L.5121-33 du code de la santé publique qui réserve la création et l’exploitation d’un site internet aux seuls pharmaciens d’officine et à partir de ces officines, dès lors qu’il n’interdit pas que ceux-ci aient recours à une plateforme commune comme support technique de leurs sites.
Sur la prétendue violation des dispositions de l’article L.5125-25 du code de la santé publique par la société Doctipharma qui jouerait un rôle d’intermédiaire, il convient de rappeler que ce texte édicte que : Il est interdit aux pharmaciens ou à leurs préposés de solliciter des commandes auprès du public.
Il est interdit aux pharmaciens de recevoir des commandes de médicaments et autres produits ou objets mentionnés à l’article L.4211-1 par l’entremise habituelle de courtiers et de se livrer au trafic et à la distribution à domicile de médicaments, produits ou objets précités, dont la commande leur serait ainsi parvenue.
Toute commande livrée en dehors de l’officine par toute autre personne ne peut être remise qu’en paquet scellé portant le nom et l’adresse du client. Toutefois, sous réserve du respect des dispositions du premier alinéa de l’article L. 5125-21, les pharmaciens d’officine, ainsi que les autres personnes légalement habilitées à les remplacer, assister ou seconder, peuvent dispenser personnellement une commande au domicile des patients dont la situation le requiert.
Sur ce point la société Doctipharma dénonce le grief de standardisation des sites d’officine que le tribunal a formulé à son encontre en faisant valoir que cette uniformisation correspond à une pratique très courante, justifiée par des impératifs commerciaux et de baisse des coûts -citant les exemples des sites mesoigner.fr ou valwin.fr – mais ne privant en rien les pharmaciens d’officine de maîtriser leur relation de clientèle à leur guise, chaque site d’officine étant exploité et édité directement et personnellement par chacun des pharmaciens d’officine et constituant le prolongement virtuel de l’officine.
Elle fait observer que si les commandes transitent inexorablement par la plateforme, support technique des sites des pharmaciens d’officine, elles sont reçues et traitées par les pharmaciens eux-mêmes, sans qu’elle-même intervienne autrement dans leur traitement.
Sur le grief que lui a fait le tribunal de proposer des médicaments sans ordonnance sous forme d’un catalogue préenregistré de médicaments que le client peut saisir en vue d’une commande, rendant ainsi possible à toute personne de commander des médicaments par ce procédé ; de présenter les médicaments sans ordonnance proposés par le pharmacien, sous forme d’une gamme de produits avec leurs prix ; d’établir des comparatifs de prix ainsi qu’une présentation marketing incluant des promotions commerciales, la société Doctipharma expose qu’elle met à disposition des pharmaciens des outils de présentation de médicaments leur permettant d’accroître leur visibilité auprès des consommateurs français et de développer la compétitivité de leur site ;
Que l’outil de présentation de médicaments :
– repose sur la Base Claude Bernard de la société RESIP (éditeur de logiciels d’officine), agréée par la Haute Autorité de Santé, référençant de manière exhaustive notamment l’ensemble des spécialités pharmaceutiques autorisées et disponibles en France, dans leurs présentations de ville et dans leurs conditionnements hospitaliers. Les spécialités en Autorisation Temporaire d’Utilisation (ATU) sont incluses dans ce référencement.
– les médicaments y sont classés par ordre alphabétique et catégorisés selon les classes thérapeutiques de la Base Claude Bernard – neutralisant ainsi toute présentation marketing des médicaments ;
Qu’ainsi les outils de présentation mis à la disposition des pharmaciens ne consistent en aucun cas et de quelque manière que ce soit en une présentation marketing incluant des promotions commerciales des médicaments, les seules promotions ne concernent que les produits parapharmaceutiques à partir d’un onglet distinct sur le site des pharmaciens, étant rappelé que selon l’article L.5125-34 du code de la santé publique :
Seuls peuvent faire l’objet de l’activité de commerce électronique les médicaments qui ne sont pas soumis à prescription obligatoire, donc ceux destinés à une automédication, pour lesquels par la biais de la consultation des notices sur le site du pharmacien ou le contact direct qu’il peut nouer avec celui-ci, le client obtient aisément des conseils de prescription et de posologie.
La cour constate en effet qu’il ressort du procès-verbal de constat d’huissier de justice du 6 février 2015 qu’aucune promotion commerciale de médicaments n’y figure et que, pour en acquérir, il est nécessaire de passer par le site de la pharmacie Saint Barthélémy, d’y ouvrir un compte contenant ses coordonnées personnelles et d’en approuver les conditions générales d’utilisation, ce qui ne caractérise en rien le rôle d’intermédiaire de la société Doctipharma dans l’acquisition de médicaments par le client.
S’agissant enfin du mode de paiement unique mis en place par la société Doctipharma sur le site doctipharma.fr, elle fait valoir qu’elle n’est pas le développeur de la solution technique de paiement sécurisé sur ce site, dénommée Mercanet, qui a été développée par la société Atos pour le compte de la banque BNP Paribas et qui fonctionne avec un compte de cantonnement, non rémunéré, mis à disposition des pharmaciens pour la gestion de leurs propres flux financiers, une référence de transaction étant générée pour chacune d’elles ; qu’ainsi, si le compte de cantonnement est unique, chaque transaction est identifiée ;
Qu’un manuel d’utilisation du backoffice de Doctipharma, qu’elle produit, est mis à disposition de chaque pharmacien référencé sur le site doctipharma.fr, et lui permet, notamment, de suivre les différentes étapes de la commande, manuel dans lequel il est souligné (page 9) de ne pas envoyer le colis tant que le débit n’a pas été accepté, la retranscription par l’huissier de justice de l’enregistrement d’une conversation avec le pharmacien permettant d’établir que la commande peut-être modifiée par ce professionnel.
Le rôle d’intermédiaire de la société Doctipharma n’est pas davantage caractérisé par ce système de paiement unique, simple prestation technique mise à disposition des pharmaciens ayant recours à cette plateforme, celle-ci n’intervenant pas comme un répartiteur mais permettant simplement de mettre directement en contact des clients et des pharmaciens d’officine, qui reçoivent directement la commande, l’honorent sur leurs stocks propres et en assurent le suivi.
Au surplus, la preuve du risque que cette plateforme ferait courir à la santé publique n’est pas rapportée, alors qu’elle est l’un des objectifs prioritaires qui a sous-tendu l’adoption de la directive 2011/62/UE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2011.
Dans ces conditions, la cour infirmera en son entier le jugement entrepris du 31 mai 2016 qui a déclaré illicite le site http://www.doctipharma.fr et ordonné à la société Doctipharma et à l’hébergeur de son site, la société Pictime, des mesures de cessation de cette activité, outre une publicité de sa décision à la charge de la société Doctipharma.
Sur la mesure de publication de l’arrêt :
Il convient de faire droit à la demande de publication du présent arrêt, formulée par la société Doctipharma, dans les conditions fixées au dispositif, la matière intéressant la santé publique et le premier juge l’ayant lui-même ordonnée, ce qui est de nature à jeter le discrédit sur l’activité de la société Doctipharma.
Sur l’article 700 du code de procédure civile :
Il est équitable d’allouer à la société Doctipharma une indemnité de procédure de 6.000 euros et à la société Pictime une indemnité de 2.000 euros.

DÉCISION
La cour, statuant par arrêt contradictoire,
Infirme le jugement entrepris du tribunal de commerce de Nanterre du 31 mai 2016 en toutes ses dispositions,
Et y ajoutant,
Ordonne, sous astreinte de 3.000 euros par jour de retard à compter du trentième jour de la notification de l’arrêt, la publication sur le site internet de l’association Union des Groupements de Pharmaciens d’Officine d’un communiqué judiciaire libellé comme suit : « Communiqué judiciaire – Par arrêt du 12 décembre 2017, la cour d’appel de Versailles a infirmé le jugement du 31 mai 2016 du tribunal de commerce de Nanterre ayant déclaré illicite le site http://www.doctipharma.fr pour la vente de médicaments, dans une affaire opposant l’association Union des Groupements de Pharmaciens d’Officine à la société par actions simplifiée à associé unique Doctipharma » en lettres Arial de taille 12, pendant une durée de six mois,
Autorise la société par actions simplifiée à associé unique Doctipharma à procéder à la même publication aux frais de l’association Union des Groupements de Pharmaciens d’Officine et dans la limite de 6.000 euros HT pour l’ensemble, dans deux revues professionnelles ou journaux, au choix de la société par actions simplifiée à associé unique Doctipharma, intéressant la profession de pharmaciens d’officine,
Rejette toutes autres demandes,
Condamne l’association Union des Groupements de Pharmaciens d’Officine à payer à la société par actions simplifiée à associé unique Doctipharma la somme de 6.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne l’association Union des Groupements de Pharmaciens d’Officine à payer à la société par actions simplifiée Pictime la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne l’association Union des Groupements de Pharmaciens d’Officine aux dépens d’appel, avec droit de recouvrement direct, par application de l’article 699 du code de procédure civile.

La Cour : François Leplat (président), Denis Ardisson (conseiller), Véronique Muller (conseiller), Alexandre Gavache (greffier)
Avocats : Me Bertrand Rol, Me Nathalie Beslay, Me Martine Dupuis, Me Pascale Regrettier-Germain

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