Un arrêt rendu le 04 novembre 2015 par la Chambre Sociale de la Cour de Cassation est l’occasion de faire le point sur ce qui constitue un document essentiel au bon fonctionnement de l’entreprise : le règlement intérieur.

Un règlement intérieur doit être élaboré et mis en place dès lors que l’entreprise compte au moins 20 salariés. En dessous de cet effectif, l’élaboration de ce règlement intérieur est facultative. Néanmoins, il peut être recommandé.

Le règlement intérieur reste l’expression privilégiée du pouvoir normatif de l’employeur. Pour autant, son contenu est strictement limité et contrôlé par l’administration : le Code du travail ne permet guère d’initiative de la part de l’employeur. Parmi les questions qui relèvent du domaine du règlement intérieur, figurent les règles relatives à la santé et à la sécurité, les dispositions légales relatives à la prohibition des faits de harcèlement moral et sexuel, ainsi qu’à la protection des victimes et témoins de tels faits ainsi que les règles générales et permanentes relatives à la discipline, c’est-à-dire l’ensemble des obligations et des interdictions que les salariés doivent respecter et dont le non-respect est susceptible de donner lieu à sanctions disciplinaires.

Avis aux employeurs qui seraient tentés d’intégrer toute sorte d’interdictions dans ce document réglementaire : le règlement intérieur ne peut comporter de dispositions portant une atteinte injustifiée ou disproportionnée aux droits et libertés des salariés ou de dispositions discriminatoires.
Cette règle conduit à considérer comme illicites les clauses :
– interdisant le mariage entre salariés de l’entreprise ou interdisant à un salarié d’épouser une personne divorcée ;
– interdisant d’une manière absolue de chanter, siffler ou parler à ses collègues ;
– interdisant de porter des badges ou des insignes ;
– interdisant d’introduire un journal dans l’entreprise ;
– obligeant un salarié à adopter un type de coiffure ;
– interdisant les discussions politiques ou religieuses et, d’une manière générale, toute conversation étrangère au service
– interdisant au personnel d’un hôtel d’utiliser les emplacements de stationnement appartenant au domaine public voisin de l’établissement
– clauses prévoyant l’ouverture du courrier adressé au salarié
Les employeurs présument trop souvent que par le biais du règlement intérieur, ils peuvent interdire le téléphone portable dans leur entreprise.
Or, on ne saurait interdire d’une manière générale, l’usage du téléphone portable personnel sur le lieu et pendant les horaires de travail. Sauf en ce qui concerne des situations de travail particulières : conduite, travaux en hauteur…

 

Ce fut le cas d’une salariée licenciée pour vol : la fouille de son sac avait été réalisée uniquement par les agents de la sécurité du magasin suite au déclenchement des alarmes, alors que le règlement prévoyait que la vérification devait se faire par le Directeur, en présence d’un tiers appartenant à la société ou d’un représentant du personnel.

La haute Cour a estimé que dans la mesure où l’employeur n’avait pas respecté les dispositions du règlement intérieur s’agissant des vérifications des objets transportés et de la fouille des personnes, l’acte de vol ne pouvait servir à l’appui d’une procédure de licenciement pour faute grave. (Cass soc 02/03/2011,. N°09-68546).

La décision peut paraître sévère à l’égard de l’employeur mais les juges préservent l’atteinte aux libertés fondamentales que représente un tel contrôle.

 

Dans son arrêt du 04 novembre 2015, la Cour de cassation a confirmé qu’un règlement intérieur qui n’a pas fait l’objet des formalités de dépôt et de publicité est considéré comme non entré en vigueur et inopposable au salarié.
Dans cette affaire, un salarié a été contrôlé positif au test d’alcoolémie. Son employeur l’a alors mis à pied à titre conservatoire puis licencié pour faute grave sur le fondement de son règlement intérieur approuvé par le CE et affiché dans l’entreprise.

Pourtant, le licenciement a été jugé dépourvu de cause réelle et sérieuse dans la mesure où les formalités de dépôt et de publicité n’ont pas été effectuées, de sorte que le règlement intérieur n’est pas entré en vigueur. Les dispositions de ce règlement permettant d’établir, sous certaines conditions, l’état d’ébriété d’un salarié en recourant à un contrôle d’alcoolémie, n’étaient donc pas opposables au salarié.(Cass. soc., 4 novembre 2015, n° 14-18.574).

 

Rappelons en effet, que, si le règlement intérieur est établi unilatéralement par l’employeur, il est soumis à un strict formalisme d’élaboration, de publicité et de dépôt, dont l’omission peut être lourde de conséquences.

– Le règlement intérieur doit préalablement avoir été soumis au CHSCT, ainsi qu’au CE (ou, à défaut, aux DP), si ces instances existent dans l’entreprise. Il doit faire l’objet d’un dépôt au greffe du conseil de prud’hommes et d’un affichage à une place convenable et aisément accessible dans les lieux de travail, il doit aussi être transmis à l’inspection du travail en double exemplaire et enfin il doit indiquer la date à partir de laquelle il entre en vigueur.

Employeurs, tous à vos stylos pour compléter vos règlements intérieurs : en effet, dans un arrêt 7 janvier 2015 n°13-15630, pour la première fois, la Haute juridiction vient préciser qu’une mise à pied disciplinaire prévue par un règlement intérieur n’est licite que si ce dernier précise sa durée maximale. A défaut d’une telle précision, une telle sanction est nulle…A la lecture de ces quelques décisions de justice, on constate l’attrait accru du règlement intérieur dans les litiges individuels et le renforcement de son contenu.

Si une entreprise a décidé spontanément de s’en doter d’un, encore faut-il que son contenu soit licite et que ses dispositions soient respectées à lettre. A défaut, le règlement intérieur devient un outil inutile voir risqué dans l’application que souhaite en faire l’employeur.

Selafa Havre Tronchet
Tél. : 01 53 93 04 00
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